Dans notre thématique plaisir...
Voici le dernier volet du récit de T. sur l'Amour façon PMR.
Le comparatif de sa sexualité d'avant et de maintenant. Sa flexibilité est une force, et le plaisir revit grâce à cette adaptation au changement.
"L'amour, un soin du corps et de l'âme"...
Le comparatif
La moitié de ma vie valide et l’autre handicapé. J’ai vécu avec bonheur et enthousiasme les années 80 et la libération des mœurs. Ma sexualité était riche et variée, sans limites et joyeuse la plupart du temps. Lorsque je fus touché par le handicap moteur je fus abandonné par mon amante de l’époque et j’ai passé quatre ans d’abstinence et de frustration jusqu’à l’obsession. Lorsque j’ai eu à nouveau une expérience sexuelle ce fut un fiasco car j’essayai vainement de parodier mon ancienne existence. Encore une frustration jusqu’à ce que je rencontre une femme qui a perçu mon désir et qui m’a regardé avec amour. Elle m’a aidé à passer le pas d’une nouvelle sexualité. Une sexualité de désir réel et d’attention à l’autre et à moi-même. Une sexualité non performative et pourtant extraordinairement stimulante et inventive. Une sexualité apaisée et douce même si la vigueur se mobilisait parfois, nourrie de rage et de colères intérieures. Une envie virile de domination et une énergie du désespoir me portaient alors.
Une sexualité où nous apprenions l’un de l’autre et étions animés d’une tendresse infinie. Une sexualité de plaisir teintée de magie et d’absolu. Une sexualité d’apaisement et d’amour joyeux. Une sexualité qui nous a animés jusqu’à son légitime désir d’enfant.
J’étais déjà père et ne me sentais pas à assumer à nouveau une paternité ne vivant déjà la mienne qu’à temps partiel et avec beaucoup de frustration de ne pouvoir jouer comme un père valide avec mon garçon ni assurer beaucoup de gestes ordinaires. Elle partit chercher ailleurs un autre géniteur sans succès hélas.
Vingt ans plus tard nous nous sommes retrouvés et mon désir pour elle était intact. Quelques temps nous avons réanimé cette flamme grâce à l’ardeur de mes élans mais sa vie l’avait éloigné du désir des hommes et je n’y faisais pas exception. Je compense aujourd’hui de loin en loin mais sans retrouver la complicité que nous avions. Il me semble que cette sexualité est toujours faisable pour moi et je ne désespère pas de trouver une partenaire avec qui continuer à m’épanouir. Si je pouvais j’aurai recours à des services payants sans aucune arrière-pensée Je regrette le temps des maisons closes qui rendaient la chose tellement plus facile !
Je pense qu’il est possible de professionnaliser cette prestation pour permettre un meilleur épanouissement et tout particulièrement pour les personnes handicapées.
Ressentir du plaisir même occasionnellement compense en partie la douleur des corps blessés et améliore l’estime de soi. Faire l’amour est un antidote à la colère et à la rancœur. L’amour est un soin du corps et de l’âme. Quels qu’en soient la forme et la fréquence c’est toujours une richesse dont chacune des pépites enrichit le trésor qu’est la vie.
L’emploi de sex-toys, la réalité virtuelle et l’accessibilité à la pornographie sans limites sur internet ne sont que des ersatz en regard d’une réelle complicité. Je ne rejette en rien ces pratiques et même je les encourage faute de mieux mais sans en être dupe. Il conviendra selon moi d’en parler ouvertement à ses pairs et aux personnes de son entourage afin de ne pas s’enfermer dans des névroses obsessionnelles et qui sait peut-être trouver des solutions plus satisfaisantes.
L’approche et le suivi dans ce domaine par des professionnels et plus largement par la société civile s’enrichira certainement de la prise de parole décomplexée des individus concernés.
Nous remercions vivement T. pour ce partage !