Adrien au "Jeu des Q"

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Pour compléter le magnifique témoignage d'Adrien d'hier, nous lui avons proposé un "jeu des Q". Nous le remercions d'avoir répondu à nos questions avec simplicité et sincérité !

Ce n'est pas un exercice facile, aussi, MERCI Adrien pour ce partage, qui nous l'espérons, aidera à lutter contre l'isolement !

 

 

Peux-tu nous partager ton évolution personnelle dans le cadre de ta sexualité ?

Ton exploration intime qu’elle soit solo, duo et + !

Je m’appelle Adrien, j’ai 36 ans et je suis en fauteuil roulant depuis l’âge de 20 ans suite à un accident. Je suis aujourd’hui paralysé sur la majorité des bras et tout le bas du corps. Je ne peux pas bouger volontairement ni ressentir les sensations nerveuses du toucher. J’avais déjà eu des relations sexuelles avant mon accident et la disparition de mon sens du toucher fait effectivement une énorme différence dans le ressenti du corps.

J’ai toujours aimé faire l’amour avant et après l’accident. Depuis ma paralysie j’ai été amené à développer encore plus l’écoute de mes sensations intérieures au quotidien notamment pour prendre soin de mon corps.

Le sexe est une merveilleuse façon de dynamiser et de lui apporter du bien-être. Un bien-être que je ressens très fort notamment grâce aux vibrations du corps des partenaires.

 

Comment es-tu aujourd’hui et quel chemin as-tu fais ? des anecdotes…

Aujourd’hui j’essaye de prioriser les relations sexuelles dans mes activités mêmes si cela reste encore épisodique dans mon agenda. J’ai décidé moi-même d’avoir recours à une assistante sexuelle justement pour affirmer mon besoin de contact physique. Je me sens presque plus paralysé par mes tabous que par ma tétraplégie. Lol.

 

Comment définirais-tu ta sexualité ?

Gourmande, coquine, sous-exploitée

 

Ton handicap est-il limitant à ton épanouissement sexuel ? Peux-tu nous expliquer ?

Ma tétraplégie limite surtout l’accès à des endroits intimes autres que ma chambre et ma voiture. Impossible de s’éclipser dans les fourrés l’été ou dans une pièce quelconque. Cela fait perdre la spontanéité du désir lorsqu’il faut prévoir de se retrouver plus tard.

Généralement c’est le fait d’être contraint et parfois dépendant de l’autre pour mes déplacements qui va freiner mon appétit de découverte pour fréquenter de nouvelles personnes à de nouveaux endroits.

 

Fais-tu des rencontres facilement ?

Oui et non. Je fréquente beaucoup d’endroits et beaucoup de personnes à travers des activités culturelles et associatives mais la concrétisation de mes envies sexuelles est beaucoup plus rare. Malgré mon caractère très social je suis relativement timide pour proposer une relation sexuelle et j’ai tendance à attendre le moment propice (c’est-à-dire un endroit intime je peux m’allonger et me déshabiller) pour un contact sensuel ce qui réduit énormément le nombre d’occurrences.

Je passe énormément de temps en vain sur les sites de rencontre aussi. L’équilibre entre la suggestion et la proposition directe y est encore plus difficile privée des signaux non verbaux de mes partenaires.

 

Rencontres-tu des difficultés pour faire des rencontres ? Quelles sont-elles ?

La principale est la routine du quotidien que je dois surmonter pour rencontrer de nouvelles personnes. Vient ensuite ma timidité et le préjugé que ma paralysie concerne aussi ma sexualité.

 

(si handicap survenu après un accident) Peux-tu nous dire quelques mots de ton handicap ? En quoi ta sexualité s’en est trouvée bouleversée ? Y’a t’il eu une évolution ? des changements ?

La paralysie sensitivomotrice me prive des sensations nerveuses et des mouvements sur les 4/5 de mon corps. C’est donc un chamboulement total de mes pratiques lorsque l’accident est survenu à l’âge de 20 ans. Je ne peux plus ni bouger ni sentir mais j’ai toujours le même appétit ! La principale évolution a été de m’habituer aux sensations profondes de fourmis et de vagues de chaleur pour identifier les retours de mon corps. Malheureusement l’accident n’a rien changé à ma timidité. Lol.

 

As-tu dû trouver d’autres alternatives, des adaptations ?

Les alternatives sont déjà celle des positions possibles. La charge du mouvement revenant à ma partenaire, j’ai trouvé quelques positions pour qu’elle puisse actionner confortablement la pénétration. Par exemple dans un lit je vais redresser le dossier et je vais me retrouver à moitié assis puis saisir mes deux jambes en levant mes pieds en l’air pour laisser libre accès à mon sexe qui va la pénétrer en levrette lorsqu’elle s’agenouille devant moi. On dirait une sorte d’accouplement de moustiques. Lol. J’ai aussi un fauteuil manuel verticalisateur qui me tient debout avec lequel j’ai adapté un système de fixation au bord d’un lit médicalisé dont on peut régler la hauteur pour une véritable levrette et missionnaire aidé d’un foulard pour me permettre de me saisir du bassin de la partenaire. C’est pas les idées qui manquent !

 

Tes zones érogènes ? As-tu des sensations ? Quelles sont-elles ? Où sont-elles localisées ?

C’est très différent du tableau de la sensibilité nerveuse. Les sensations sont constituées de petites fourmis et de vagues de chaleur avec des petits éclairs électriques dans tout le corps. Elle s’amplifie lorsqu’elles sont stimulées globalement en frottant par exemple les jambes le ventre. La localisation n’est donc pas précise mais cette énergie générale qui compte. Les zones classiques du sexe fonctionnant comme la cerise sur le gâteau en multipliant les sensations de base.

 

As-tu découvert une autre façon de faire l’amour ?

Oui et non. J’ai toujours une approche très sensuelle dans lequel je m’immerge totalement mais il me manque les possibilités de contact volontaire. Mon corps ne peut plus réagir automatiquement pour se positionner et je dois donc traduire l’écoute de nos réactions avec ma conscience. La principale différence consiste donc à placer ma conscience dans les parties paralysées et notamment dans mon sexe. Cela donne toujours des sensations hallucinantes à la partenaire notamment.

 

Suite à ton handicap (en cas de avant/après) as-tu des parties de ton corps plus sensibles ? Si oui lesquelles ? En quoi est-ce un point positif dans cette nouvelle sexualité pour toi, pour ton/tes partenaire.s ?

Entre la partie paralysée et la partie normale il y a une zone très sensible comme le dessous des pieds. C’est une zone qu’il faut plutôt éviter de chatouiller. Pas de chance elle passe à la base de mon cou au-dessus des clavicules ce qui fait que certains baisers me font sursauter. Ma partenaire a parfois l’impression que c’est douloureux ou surexcitant. En tout cas ça me fait réagir. Lol.

Le reste du corps est très sensible aux caresses et à la chaleur notamment pour déclencher le réflexe de l’érection. C’est un peu plus compliqué pour la partenaire qui a tendance à se focaliser sur le sexe alors que j’ai besoin que l’on caresse mes cuisses par exemple.

 

Concernant l’accompagnement sensuel si expérience il y a :

As-tu déjà fait appel à des travailleur.ses du sexe ? ou Assistant.e sexuel.le ?

Oui

 

Ces services t’ont-ils apportés satisfaction ? Y a-t-il une différence ? Laquelle ?

Beaucoup de satisfaction. L’assistance m’a vraiment permis de me réapproprier ma sexualité en me rendant responsable de trouver mon plaisir. Les travailleuses du sexe que j’ai rencontré ont quasiment systématiquement toujours cherché à me donner du plaisir physique sans succès du fait de mon tableau de sensations. Le contexte de temps limité et l’obligation de résultat se sont en plus toujours ajouter à la déception de ses rencontres. Je me sentais coupable de ne pas réussir à trouver du plaisir même avec les professionnelles.

 En proposant une rencontre apaisée où j’ai le temps et l’opportunité de me concentrer sur moi, l’assistance sexuelle m’a donné les clés d’un comportement centré sur ma réalisation personnelle.

 

Penses-tu qu’il soit nécessaire de suivre une formation d’AS ? Pourquoi ?

Clairement oui. Premièrement pour la posture que j’évoquais au-dessus. J’ai rencontré aussi d’autres assistantes sexuelles non formées qui se sont comportées avec la même empathie paralysante et une sorte d’attente face à l’obligation de résultat qu’elles se donnent et pour laquelle je me sens coupable de ne pas honorer le contrat. La formation est indispensable pour préparer le professionnel à rester intègre devant la détresse de la personne accompagnée et lui permettre de se réapproprier sa sexualité.

Le toucher et l’écoute corporelle sont aussi des prérequis indispensables pour aborder un contact sensuel très différent de la sollicitation mécanique des organes génitaux habituellement pratiqués dans le travail sexuel.

 

D’une manière générale quel est ton vécu, ton ressenti suite à ces expériences avec une ou des AS ? Y en a-t-il eu plusieurs ?

Pour moi seule la professionnelle formée par corps solidaire a été à la hauteur d’un vrai accompagnement. Les 3 autres assistantes sexuelles que j’ai rencontrées sont restées dans le schéma classique de la mise à disposition de leur corps pour me donner du plaisir.

 

Les limites imposées parfois par l’accompagnant.e conviennent-elles ?

Les limites du consentement et de la progression par la douceur me correspondent parfaitement. C’est surtout la limite temporelle qui continue à me plonger dans un état de stress quant au résultat du rendez-vous.

 

Selon toi, ses limites doivent-elles s’adapter à tous les bénéficiaires rencontrés ?

Elles sont indispensables pour tous les bénéficiaires. Il est pour moi impératif de négocier en amont du rendez-vous pour retenir un cadre précis et sécurisant qui permettra de lâcher prise lors du rendez-vous.

 

Comment ça se passe pour la protection contre les MST et IST ?

Personnellement c’est comme avec toutes mes partenaires sexuelles. Les rapports sont protégés.

 

Et concernant l’attachement, l’amour, que tu peux ressentir suite à une rencontre que la personne soit travailleur.se du sexe ou non ? Comment tu gères ?

Je suis très content de ressentir le sentiment amoureux. J’essaie de plus en plus de discuter avec mes partenaires dès que la jalousie ou l’angoisse le remplace. C’est très important pour moi d’être dans cette sensation d’amour. Le sexe perd tout son attrait lorsque je le fais simplement pour valider la poursuite d’une relation. J’ai besoin de l’excitation de l’amour. À mon sens le sexe est malheureusement beaucoup trop instrumentalisé comme quelque chose qui prouve la véracité d’une relation. Je passe beaucoup de temps à essayer de décoreller mes pratiques sexuelles des cadres de relations classiquement identifiés comme de l’amour, de l’amitié etc...

 

Restes-tu en contact régulier par texto ou tél avec ton accompagnant.e ?

Pas vraiment. Comme avec d’autres partenaires. C’est-à-dire lorsque j’ai des informations intéressantes à partager. Je partage très peu d’intimité par téléphone.

 

 

 

Commentaires

  • Merci Adrien,
    Très touchant ton témoignage car plein de sincérité.

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